Un an que tu m'as abandonné dans cette vie à laquelle je tente encore et toujours de m'adapter, dans laquelle je m'efforce d'avoir une vraie place et ne pas rester en surface. Un monde dans lequel j'essaye de m'investir pour oublier d'être objectif et de me souvenir que ce n'est pas réellement le chemin sur lequel j'étais lancé. Je m'y plais, je me plais dans ce que j'ai fait naître, dans ce que j'ai voulu embrasser; mais il reste un décalage majeur entre ce que je ressens et ce que je vis. J'ai l'impression d'avoir à sans arrêt faire la transition entre deux univers différents qui se superposent parfois. Un décalage encré dans la logique, que j'apprends à comprendre pour m'y adapter.
L'adaptation.
Ca a été que ça depuis un an.
Devenir fort ça m'a pas aidé à m'en sortir, ça m'a simplement apporté un confort plus important lorsque je me suis tiré du trou. Un confort tout court. Je me suis adapté avec les méthodes, les gens qui étaient à ma portée. J'ai pris ce que j'avais et j'ai essayé d'en tirer ce que j'avais. Je me suis adapté aux conséquences de ton absence, aux faits. J'ai échoué à m'adapter au fond.
T'es partie quand t'en avais besoin, et j'en avais pas envie. C'est ce que j'ai pensé des mois et des mois. La vérité c'est que tu es partie quand tu en avais envie quand j'avais besoin de toi. Je sais que je ressasse, que je répète, que je tourne en rond sans récolter la moindre information. J'ai pas réussi à enfermer le passé et ton image qui me sourit. J'ai pas réussi à oublier tes tics de langage, d'attitude, les petits rituels ou les grandes paroles muettes. J'ai échoué à te rendre vraiment heureuse quand j'en étais pas encore fondamentalement capable. J'ai échoué, je l'ai assez dit.
J'ai échoué à réussir.
J'en veux à qui j'étais, de ne pas avoir su ralentir, de ne pas avoir eu l'intelligence, la force, le recul de préserver un minimum ses fonctions vitales, de protéger son être. Son erreur m'a fait perdre du temps et m'a laissé les marques d'erreurs dont je n'ai pas la moindre utilité.
Il y a une coupure singulière entre lui et moi. Singulière en le fait qu'elle a été réalisé progressivement, par étapes. Mais toutes les idées intermédiaires, les personnalités par lesquelles je suis passé, tout s'est évaporé. Il reste lui. Il y a moi. Et je lutte sans cesse contre des images, des sons, des odeurs qui ne m'appartiennent pas. Je me bats contre quelque chose de bien plus faible que moi sans avoir la moindre chance de gagner. C'est une sensation extremement désagréable.
Car oui j'ai pris certains de tes tics de langage par exemple Emma, et ça m'arrive, de façon inconsciente, de m'en servir avant de réaliser que tu es encore présente, que tu as encore une existence dans mon présent à ma façon. Les vestiges laissés par un nous dont la durée d'existence surpasse, encore aujourd'hui, de beaucoup qui je suis. Et ça me rend malade.
Tu es un parasite, crée dans un but, essentiel; mais qui gâche une partir de ma liberté. Tu es un virus qui m'handicappe. Je marche. Je mange. Je coure. Je saute. J'aime plus.
J'aime plus.
Ce n'est pas que je ne veux plus parce que je me souviens de la douleur et du chagrin. Je ne suis plus capable d'aimer, psychologiquement. J'ai perdu cette capacité, et je sais que je ne pourrai jamais la retrouver totalement. Ca a été broyé lors de l'ouragan. Et aujourd'hui je suis seul, parce que tu ne m'as laissé aucun indice, aucun plan pour m'expliquer comment on fait après. Tu es partie en lâche sans même prendre le temps de t'asseoir et de me donner le strict minimum, en considérant notre histoire.
J'ai du mal à assumer la faiblesse de souffrir encore un peu quand toi tu as guéri aussi vite. J'ai certaines difficultés, et c'est lié à qui je suis devenu car ce n'était pas le cas il y a un an, à accepter d'avoir mal calculé l'impact de ton départ et les précautions nécessaires à lettre en place pour conserver ce qui était important et aurait du être préservé de la catastrophe.
Mais soit.
Tu m'as pas laissé le droit de m'occuper de toi, mais j'ai trouvé d'autres personnes qui ont autant de valeur à mes yeux que tu en avais dont je dois m'occuper.
J'ai plus besoin de toi aujourd'hui.
J'aurai plus jamais besoin de toi Emma.
Mais ça m'empêchera jamais de continuer à te regretter.